Le Sphinx du Pacifique — Chapitre 10

— Non, Anne !

La jeune fille qui venait de parvenir à hisser sur son dos un énorme fagot de bois, s'arrêta net à cette interdiction fort autoritaire. Elle toisa un instant celui qui l'avait faite avant de prendre le chemin de Liberty House. Elle n'alla pas loin. Fag-End se dressa devant elle et, en un tour de main, lui arracha son fardeau.

— De quel droit ? rugit-elle, furieuse.

— Tu le sais bien ! Tu vas te faire mal !

— Et alors, ce n'est pas ton problème ! Je ne suis pas une mauviette !

La jeune fille évitait soigneusement le regard de son compagnon et affectait un sourire moqueur qui dissimulait mal un sentiment de gêne et de culpabilité. Sans laisser à Fag-End le temps de trouver une réponse, elle ajouta :

— J'en ai assez, moi ! Tout le monde me traite comme une petite fille. Ne fais pas ceci, c'est trop dur. Ne fais pas cela, c'est trop lourd. Alors quoi, je n'ai le droit de rien faire parce que je suis une femme ? Je suis cantonnée à la couture, à la cuisine ? Très peu pour moi !

Le rouge de la colère incendiait ses joues. Ses yeux étincelaient. Ses cheveux s'échappaient des liens qui les retenaient. Fag-End, comme subjugué, la regardait d'un air attendri.

— Tu es... précieuse ! murmura-t-il doucement.

— Oui, explosa Anne. Un bibelot, voilà ce que je suis ! Voilà comment on me considère. Eh bien, je ne veux pas être un bibelot ! Je suis normale, quoi !

Tant d'impétuosité égaya Fag-End qui eut ce qui ressemblait à un sourire.

— Tu te moques ! s'écria Anne, mécontente.

— Aucunement. Je cherche seulement à te faire comprendre que ce n'est l'intérêt de personne que tu abîmes ta santé. Il n'y a aucun déshonneur à laisser à de plus forts que toi des charges lourdes. Nous avons chacun nos talents. Je ne vais pas me mêler de faire du vin ou des remèdes, je laisse cela à Monsieur Lawrence. Qu'as-tu à nous prouver ? Que tu es aussi solide que nous ? En quoi est-ce humiliant que tu ne le sois pas ?

— Je ne t'imaginais pas prêchant la raison, grommela la jeune fille, maussade.

Elle s'assit sur le fagot et, plus rêveusement, elle ajouta :

— Tu sais, Fag-End, je ne t'ai jamais dit combien je suis heureuse que tu aies survécu à l'explosion de la Jane-Mary !...

Cette fois, ce fut un vrai rire qui secoua le pirate à cette surprenante remarque.

— Tu ris ! s'écria Anne, radieuse. Tu ris ! Je ne t'avais jamais entendu rire jusqu'à présent. Je suis si heureuse ! Tu sembles tellement mieux depuis quelques jours. Plus détendu. Comme apaisé !

— Je peux te retourner la remarque !

— C'est vrai. Je me sens de mieux en mieux. Depuis Noël !

— Même si tu as encore du mal à accepter d'être une faible femme dans un monde masculin ?

Un peu de rouge monta à ses joues.

— Ce n'est pas tous les jours facile, souffla-t-elle. Assieds-toi donc !

Fag-End, surpris, hésita, puis obéit et pris place aux pieds de la jeune fille dont la gaîté avait soudainement disparu.

— Je suis... désolé...

— De quoi ? Tu n'as pas à être désolé de dire la vérité telle qu'elle est. Et puis, je n'ai que moi à blâmer. Après tout, il faut que j'assume mes choix ! Personne ne m'a obligée à venir ici !

Le pirate eut l'air surpris mais ne se permit pas de poser de question à haute voix.

— Oui, quand j'ai fui la Jane-Mary... Mais tu ne sais pas. Personne ne sait rien. Comment penses-tu que je suis vivante ?

— Je ne veux pas me montrer indiscret... murmura Fag-End, prudent.

— La trop grande discrétion peut être une forme d'indifférence... Veux-tu savoir la vérité ?

— Si cela ne t'oblige pas à revivre...

— Des souvenirs qui sont atroces, odieux, répugnants, je te l'accorde. Mais parler peut être une forme d'exorcisme !

Fag-End fit une moue qui semblait vouloir dire qu'aucune parole ne suffirait jamais à exorciser le passé.

— Parle, dit-il cependant. Comment as-tu abouti ici ? Tu as sauté avant l'explosion, n'est-ce pas ?

— Oui. Tom Brown, plus qu'à demi ivre était monté sur le pont, me laissant libre, pour une fois. Tu me connais, je suis impulsive. La proximité de la terre a fait germer en moi un projet fou. Je n'ai plus eu qu'une seule idée, me venger et fuir. Il aurait été scandaleux de laisser tous ces crimes impunis. Il fallait laver mon ignominie dans le sang. En fait, c'est dans le feu que je l'ai fait. L'incendie que j'ai allumé s'est vite propagé, la soute était à deux pas. Je n'ai vraiment eu que le temps de me laisser glisser à l'eau et de nager quelques brasses pour m'éloigner. La Jane-Mary a envoyé ad patres tous ces suppôts de Satan.

Elle se tut, observant Fag-End d'un air de défi.

— Pourquoi n'es-tu pas allée au bout de ta vengeance ? demanda enfin le pirate d'une voix basse. Pourquoi m'as-tu laissé en vie quand tu as découvert que j'étais aussi sur cette île, que j'avais échappé au carnage ?

— Pourquoi ne l'aurais-je pas fait ? rétorqua la jeune fille avec hauteur.

— Tu sais parfaitement que j'étais responsable de l'abordage du bâtiment sur lequel tu te trouvais ! Le massacre de l'équipage, j'y ai participé, non ? Tu ne peux nier que j'étais un des hommes les plus féroces de la Jane-Mary.

— C'est vrai. Mais je ne peux nier non plus que parmi cet équipage de brutes, tu aies été le seul à me respecter et à refuser de te comporter comme une bête !

— Avant de me tresser une couronne de lauriers, tu aurais pu t'interroger pour savoir si ce refus avait une cause aussi noble que tu le prétends !

Les yeux d'Anne lancèrent des éclairs.

— Ne t'avilis pas devant moi, Fag-End ! Tu sais qu'entre nous, c'est parfaitement inutile.

Le pirate baissa la tête, pâle de confusion.

— Je terminerai ce que j'ai à dire, reprit la jeune fille, fiévreusement. Sur cette île, je me suis aperçue avec horreur qu'il n'y avait que des hommes. Oh, pas bien nombreux, mais des hommes quand même. Tout risquait de recommencer. J'avais fui pour retrouver le même enfer. Je me suis jurée de tuer à nouveau si j'étais menacée. Malade, mourante, j'ai appris que je devais la vie, par deux fois, au pirate Fag-End, lequel avait miraculeusement survécu à l'explosion. J'ai su après ce qui s'était passé. J'ai écouté aux portes, pour en apprendre davantage sans me découvrir. J'ai entendu Ismaël défendre l'homme qui se cachait derrière le criminel. Toutes les preuves étaient bonnes pour lui. Il avait foi en l'être humain, autant en toi qu'en moi, nous que la souffrance avait ravalés au rang de monstres sanguinaires. Grâce à tout ce que j'ai entendu durant ces jours de solitude, j'ai trouvé le chemin de cette communauté d'hommes, j'ai appris à faire confiance, j'ai commencé à songer qu'il fallait peut-être pardonner pour continuer à avancer... Pour moi, le pardon était plus accessible parce que ces bandits étaient morts. Maintenant que je les avais tués, je pouvais leur pardonner. Ismaël ne sait pas que je suis aussi une criminelle, que j'ai goûté avec joie aux délices de la vengeance. D'une part, je voulais partager en premier ce secret avec toi. De l'autre, je n'étais pas très à l'aise pour l'avouer à notre ami. Me pardonnes-tu d'avoir exterminé tout l'équipage de la Jane-Mary ? Tu devais y avoir des amis, malgré tout !

Fag-End releva vivement la tête, le regard durci d'angoisse et d'horreur. Il était presque verdâtre.

— Des amis ? Dans cet enfer ? Tu m'as arraché à un abominable esclavage ! Tu as sauvé cette île et ceux qui y habitent ! Ce n'est pas du pardon, mais de la reconnaissance. Je... Tu...

Une émotion envahissante le suffoqua. Il ne put poursuivre.

Ni Anne, ni lui ne surent ce qui s'était passé, comment la chose était arrivée : ils se retrouvèrent dans les bras l'un de l'autre, mêlant leurs larmes et pourtant délicieusement bien. Reprenant conscience en même temps, ils se regardèrent, puis, doucement, leurs lèvres se scellèrent dans un premier baiser, chaste et pudique, qui effaçait la souillure et les obscénités de la Jane-Mary.

Ce fut la tombée de la nuit qui les ramena à la réalité. Ils allaient être en retard. Ils auraient pourtant bien prolongé ces moments de paix et de tendresse.

Lentement, ils regagnèrent Liberty House et déposèrent le fagot responsable de tout dans le bûcher avant d'entrer dans la cuisine. Leur dispute concernant le partage des travaux fut donnée comme explication de leur retour tardif.

— Ah, c'est bien, Fag-End, déclara Christopher Lawrence d'un ton approbateur. Vous avez eu raison. Je suis heureux de ne pas être le seul à dire à cette enfant d'être raisonnable. Mais j'ai parfois l'impression de prêcher dans le désert.

Julian Wilde opina du chef tandis qu'Ismaël esquissait un sourire plein d'humour.

— Vous êtes tous complices, si je comprends bien, ronchonna la jeune fille, affectant de bouder pour ne pas trahir son beau rêve.

Elle mangea à peine tant elle était perdue dans ses pensées et le souvenir lumineux de cette fin d'après-midi. Fag-End parut de même fort distrait pendant la soirée, accumula les erreurs et les maladresses et échappa de justesse aux remèdes du docteur après avoir imprudemment admis qu'il devait avoir de la fièvre.

Lorsqu'il se coucha, Christopher Lawrence, comme ses compagnons, était certain que le pirate couvait quelque chose et que le lendemain, le malade récalcitrant finirait par admettre qu'il avait besoin de soins.

A son réveil, il fut déçu de voir ses prédictions s'avérer totalement fausses. Fag-End, fringant, s'était levé aux aurores pour aller pêcher et, dans la cuisine, s'activait à préparer les poissons et les crustacés qu'il avait ramenés. Il accueillit le docteur avec ce qui, chez lui, pouvait passer pour un large sourire. Le fait, bien qu'il fût totalement inédit et exagéré, ne suscita chez le bénéficiaire aucun soupçon. Christopher Lawrence monta donc aux ateliers l'esprit tranquille.

— Chris ! Vite !

— Monsieur Lawrence !

Les voix de Connel et de Raynes, éloignées, tendues, trahissaient l'urgence. Abandonnant là outils et animaux, Christopher se précipita dehors.

— Quoi ? Où êtes-vous ?

En regardant autour de lui, il aperçut une agitation au moulin. Connel courait vers lui avec de grands gestes. Raynes, accroupi sur la berge, était penché sur ce qui semblait un corps inerte. Julian Wilde apparut alors, ce qui permettait de connaître l'identité du corps.

En quelques instants, sans écouter les propos confus d'Alan, le docteur fut sur place, devant un Fag-End trempé et couvert de sang.

Un rapide examen lui permit de trouver la provenance de l'hémorragie. A l'épaule et surtout à la tête deux plaies béantes saignaient abondamment. Il en rapprocha aussitôt les lèvres avant d'effectuer un pansement avec les moyens du bord. Les chemises de Raynes et de Connel servirent de bandage provisoire.

— Un brancard ! Bon sang ! Ne restez pas plantés là sans rien faire, bande d'abrutis !

Cet ordre peu aimable anima les trois statues que le drame avait pétrifiées.

— Raynes, allez préparer la chambre, de l'eau chaude, ma trousse médicale, du linge propre ! Connel, Wilde ! Vite, pour l'amour du Ciel !

Le marin détala. Les deux autres ôtèrent la porte du moulin de ses gonds. Puis, avec l'aide de Christopher Lawrence, ils y placèrent le blessé. Fag-End respirait à peine. Ses membres étaient glacés, son visage d'une mauvaise teinte grise. Pendant tout le trajet jusqu'à Liberty House, le docteur, très inquiet lui tint le poignet, perdant parfois son pouls intermittent et aboyant des consignes de douceur aux deux porteurs qui faisaient ce qu'ils pouvaient.

Avant d'entrer dans la chambre, Christopher grommela :

— Où est la fillette ?

— Dans le potager, je crois ! répondit Ismaël.

— Elle sait ?

— Non !

— Eloignez-là d'ici !

Cette délicatesse fit frémir les trois hommes : elle était l'aveu d'une situation extrêmement critique.

Durant les heures qui suivirent, le docteur se consacra au malheureux qui n'avait pas repris connaissance et devait être très affaibli par la perte de son sang. Il était furieux après lui-même de ne pas avoir insisté davantage pour savoir ce que couvait le pirate. Il s'accusait de négligence et, serrant les dents, il se jura qu'il réparerait sa bêtise. Tout à sa mission, il n'avait pas songé que quatre mois plus tôt, il avait farouchement refusé tous ses services au pirate blessé. Désormais, Fag-End faisait vraiment partie de la communauté et sa disparition prématurée n'était pas envisageable.

Pour autant qu'il pût en juger, le bandit souffrait au mieux d'un violent choc à la tête, au pire d'une fracture du crâne. L'hémorragie, en elle-même, pourtant longue et abondante, l'inquiétait moins que les conséquences invisibles du coup qui l'avait assommé.

— Que s'est-il passé ? demanda enfin Christopher Lawrence sans vouloir quitter le chevet de son malade.

Ses amis n'avaient pas bougé non plus. Ce fut à ce moment qu'Anne choisit de rentrer, pour les trouver debout dans la chambre de Fag-End. Elle blêmit. L'intuition de l'amour lui révélait que son bonheur s'était brisé. Mais elle réagit en femme qui sait garder un secret. Son regard se fit coupant. Sa voix était parfaitement calme en répétant :

— Oui, que s'est-il passé ?

Ce fut Julian Wilde qui répondit, très pâle, visiblement encore sous le choc :

— Fag-End et moi travaillions ensemble. Nous réparions la roue du moulin, vous savez, c'était prévu. Comme il est plus souple et plus habile que moi, je l'ai laissé monter. Il devait me prévenir quand la réparation était finie pour que nous puissions faire un essai.

La gorge nouée, il déglutit avec peine. Lui, toujours si maître de lui, ayant élevé l'impassibilité au rang de vertu, était au bord des larmes.

— Il a crié quelque chose que j'ai interprété comme l'ordre de mettre la roue en mouvement. C'est alors que je l'ai entendu hurler. Aussitôt, j'ai tout arrêté, mais il faut du temps pour freiner le mécanisme. Et puis, j'ai entendu Alan qui hurlait à son tour. Je me suis précipité et je l'ai vu qui s'évertuait à ramener le corps de notre ami sur la berge à l'aide d'une gaffe. Ismaël et moi sommes venus à la rescousse. Voilà ce que je peux dire. C'est affreux de me dire que je suis responsable...

— Non !

Tous étaient tellement habitués au silence d'Alan Connel qu'ils sursautèrent en entendant sa voix.

— Quoi, non ? aboya Christopher Lawrence. Tu vas nous dire que Julian n'est pas responsable ?

— Telle que j'ai perçu la situation, je pense qu'il ne l'est pas !

— Et qu'est-ce qui te fait l'affirmer ?

— Fag-End était effectivement sur la roue, comme l'a dit Julian, mais il ne travaillait guère. Je le sais parce que je l'observais et qu'il m'énervait à ne rien faire alors que j'avais un problème avec ma charrue.

— Ce n'est pas franchement l'habitude de Fag-End de ne pas travailler, fit Christopher Lawrence, les sourcils froncés.

Un tel compliment de la part du docteur était plutôt une rareté. L'homme avait ses défauts, mais il savait faire preuve d'honnêteté quand il le fallait. Et Fag-End avait cessé d'être la bête à abattre.

— A quelle distance de nous te trouvais-tu ? s'enquit Julian Wilde.

— Juste de l'autre côté de la rivière. Je voyais parfaitement !

— Y compris son visage ? Comment était-il ?

— Comme hier soir. Très différent de d'habitude... Et pour en revenir à la responsabilité de Julian, quand vous lui avez demandé si vous pouviez remettre en route, il a clairement dit oui !

— Ce qui veut dire que, dans un cas comme dans l'autre, nous avons un problème de communication. Soit vous, Julian, soit Fag-End avez mal interprété ce qu'a dit l'autre. Je pencherais davantage pour que ce soit Fag-End qui soit le vrai responsable de l'accident. Alan nous dit qu'il ne travaillait pas. Je suis convaincu depuis hier qu'il était malade. Il n'a donc pas compris ce qui lui était demandé.

Navrée, Anne ne rectifia pas. Elle seule savait que Fag-End n'était absolument pas malade, mais que, comme elle, il avait vécu ces dernières heures dans une brume de bonheur égoïste qui le coupait du monde. Qu'importait ce que les îliens pussent croire ? L'idylle n'aurait sans doute jamais de suite. Gravement blessé, Fag-End allait mourir, sur le seuil d'un avenir plus souriant. Elle n'aurait plus pour elle que ces doux et déchirants souvenirs. Elle les garderait jalousement, ne laissant personne y accéder. Ils étaient son trésor.

Les inquiétudes de Christopher Lawrence se matérialisèrent au cours de la nuit. Vers quatre heures du matin, alors que Julian Wilde était de garde, l'état du blessé empira brusquement. La fièvre monta, provoquant une vive agitation des membres. Le professeur, peu expérimenté, était terrifié. Il faisait de son mieux pour empêcher le malheureux d'arracher ses pansements. Il humectait ses lèvres desséchées d'un breuvage frais, à base de citron, de fleur d'oranger et de décoction de quinquina. Dans l'espoir de faire baisser un peu la température, il changeait très souvent les compresses sur son front brûlant. C'était tout ce qu'il pouvait faire en attendant la relève. Christopher avait un sommeil de plomb quand il dormait. Le réveiller prendrait du temps et obligerait Julian à quitter des yeux son malade qui risquerait bien d'en profiter pour échapper à son contrôle et provoquer une nouvelle et cette fois fatale hémorragie.

Il espérait le docteur. Ce fut Ismaël qui entra expliquant que Christopher qui s'était endormi tard avait besoin de se reposer.

La fièvre augmenta encore au petit matin, à une heure où, d'ordinaire, elle a tendance à diminuer. Elle provoqua bientôt un délire furieux qui s'ajouta aux contorsions convulsives que le garde-malade avait bien du mal à maîtriser. Il sursauta lorsque dans le flot de grognements à peine articulés, il reconnut son nom. D'abord, il crut rêver, puis, comme le phénomène se reproduisait, il dut admettre que c'était bien lui que le pirate appelait.

— Je suis là, mon ami, murmura Ismaël en se voulant le plus réconfortant possible, mais ignorant si ses paroles atteignaient le cerveau congestionné. Je suis là. Soyez sans crainte, je ne vous abandonnerai pas !

— Non, il n'est pas là... monsieur Raynes... Il n'est pas là... Ismaël... Il ne répond pas... Il me laisse mourir... Je ne veux pas mourir... Ah !....

Une douleur aigue lui fit pousser un gémissement d'agonie. Son visage se convulsa et s'inonda d'une sueur abondante. Il resta quelques instants inerte dans les bras du Gallois, la respiration irrégulière et sifflante avec un râle au fond de la gorge. Ismaël, proche de l'épouvante, ne savait que faire. Il craignait que le malheureux ne s'éteigne lors d'une crise plus violente. Comment le soulager ? Il comprit mieux l'état d'épuisement de Julian Wilde après quelques heures à son chevet.

— Monsieur Raynes... Monsieur Raynes... Pourquoi ne dites vous rien ?... Parce que vous ne pouvez pardonner... Pas de pardon... Oh, si tu savais... Mon Dieu... oh, ma tête ! Ahhh !...

Ismaël n'eut que le temps de lui saisir les bras pour les lui immobiliser. Il s'était dressé, hagard, les yeux pleins de larmes, les mains déjà crispées sur le pansement qui enserrait sa tête. Malgré son état, sa force restait herculéenne, décuplée par la souffrance. Combien de temps résisterait-il aux assauts qui broyaient son crâne ? Une vague plus forte afflua, extirpant de ses entrailles un hurlement de bête frappée à mort.

Lorsque Christopher Lawrence, en petite tenue, ayant bondi de son lit avant même d'être réveillé, fit irruption dans la pièce, Ismaël recouchait doucement un corps inanimé.

— Il vit ! rugit-il après une écoute passionnée. Pourquoi ne m'avez-vous pas appelé ?

Le marin expliqua qu'il n'avait pu laisser Fag-End seul une seconde.

— Très juste. Il délire, n'est-ce pas ? Que raconte-t-il ?... Ah, le pardon... Le remords, pour tout arranger. Nous avions bien besoin de cela dans l'affaire ! C'est vrai que l'âme est aussi malade que le corps... Enfin, il ne va peut-être pas vouloir mourir avant de se mettre en règle avec les hommes et avec Dieu, s'il croit en Dieu, ce que je ne pense pas ! Mais si c'est ainsi, cela nous laisse un peu de répit et donc d'espoir ! Il va essayer de survivre jusqu'à ce qu'il se croit pardonné...

Quatre jours s'écoulèrent qui prouvèrent la justesse de ce raisonnement : Fag-End ne mourait pas. Les périodes de fièvre alternaient avec des phases de prostration de plus en plus longues. La voix se faisait plus faible, les contorsions et les mouvements nerveux moins violents. Il apparaissait évident que ses forces déclinaient.

Un soir, il ouvrit les yeux. Son regard égaré, noyé, parcourut la pièce déjà sombre.

— Monsieur Raynes... Ismaël... je veux monsieur Raynes... Je... je vais... mourir...

Julian Wilde rugit intérieurement. Pourquoi fallait-il que cela tombe à nouveau sur lui ? Il lui était impossible de quitter le malheureux ! Où était le marin, d'ailleurs ? Sans perdre le blessé des yeux, il ouvrit la porte et appela. Anne surgit aussitôt.

— Où est Ismaël ?

La jeune fille qui ne vivait plus depuis le drame, dormant à peine et mangeant encore moins, comprit le sens de la question.

— Il va... mourir... murmura-t-elle d'une voix atone, comme s'il était évident pour elle que le pirate voulût mourir entre les mains de l'homme qui lui avait montré le chemin du pardon. Elle n'en était même pas jalouse. Elle savait qu'une fois Fag-End mort, ce serait son tour. La vie sans lui n'aurait plus aucun sens. Elle le rejoindrait dans l'au-delà.

— Oui, répliqua brutalement le professeur, détestant voir dans un miroir les émotions et la tristesse qu'il se refusait d'exprimer. Oui, et il veut voir Ismaël !

Anne lui lança un regard de haine et de détresse avant de courir dehors. Julian Wilde s'imagina qu'elle avait fui et fut très étonné quand le marin arriva précipitamment quelques minutes plus tard.

— Occupez-vous d'Anne ! s'écria-t-il hors d'haleine. Elle me fait peur !

Julian Wilde sortit aussitôt, laissant son compagnon dans la chambre où Fag-End dérivait déjà vers le néant.

— Je suis là, mon ami ! Regardez ! Je suis là ! Fag-End ! Fag-End, m'entendez-vous ? Réponds-moi, Fag-End !

N'obtenant aucune réaction, redoutant d'être arrivé trop tard, il prit la main qui reposait sur le drap, la pressa, la secoua, alla même jusqu'à la pincer tout en appelant le blessé d'une voix pressante. Au bout d'une attente qu'il jugea interminable, le pirate battit des paupières. Ses yeux se posèrent avec effort sur le marin à ses côtés et un éclair d'intelligence indiqua qu'il l'avait reconnu. Il paraissait lutter contre un engourdissement de tout son être. Il ouvrit plusieurs fois la bouche, cherchant visiblement à parler. Aucun son n'en sortit. Une expression d'effroi intense fit vaciller son regard. Rassemblant par une suprême volonté les lambeaux d'une énergie moribonde, il finit par articuler :

— Par... don... ne...

Il sembla avoir quelque chose à ajouter qui ne pouvait franchir ses lèvres. L'affolement de ne plus pouvoir communiquer troubla ses prunelles. Les paupières trop lourdes se refermèrent sur cette angoisse indicible.

Le devoir d'Ismaël lui apparut dans un éclair fulgurant. Fag-End, à l'article de la mort, implorait son ami de l'aider à se mettre en paix avec Dieu et avec les hommes avant de s'abandonner à l'éternel sommeil. Il fallait donc répondre à cette ultime demande dans la pureté d'une âme droite, sans prétendre être ce qu'il n'était pas, sans s'arroger des droits qu'il ne possédait pas. Le chrétien qu'il était, de même qu'il n'aurait pas hésité à baptiser sur l'île quiconque le lui aurait demandé fit ce que son cœur lui commandait : il posa ses deux mains ouvertes sur le front brûlant du mourant et, à haute voix, prononça les paroles tant attendues :

— Fag-End, que Dieu tout-puissant te pardonne comme je te pardonne et qu'Il t'accueille dans Son infinie miséricorde. Qu'il te bénisse... au nom du Père... et du Fils et du Saint-Esprit...

— A...llé...lui...a !

Fag-End avait ouvert les yeux en murmurant ce mot, lourd de sens. Ils rayonnèrent un instant d'un bonheur quasi céleste avant de se refermer, épuisés, vaincus par la maladie.

Ismaël, bouleversé par cette ultime profession de foi dont lui seul pouvait mesurer la grandeur et l'étrangeté, tomba à genoux, partagé qu'il était entre le chagrin d'avoir perdu un être cher et la reconnaissance envers Dieu qui avait permis le repentir du pêcheur.

— Alors ?

Le marin ne répondit pas. Christopher Lawrence, appelé par Julian Wilde, se pencha vers le corps inerte et l'examina longuement.

— Raynes, dit-il enfin en se redressant, la physionomie soucieuse de quelqu'un qui se trouve face à un problème insurmontable. Que s'est-il passé ?

Etonné par cette question idiote, le professeur se rapprocha afin de modérer le docteur si nécessaire.

Plongé dans la prière ou en état de choc, Ismaël resta muet. Christopher insista.

— Mais pourquoi ? demanda Julian Wilde à voix basse. Il était évident que le pauvre garçon n'avait que quelques minutes à vivre. Qu'il soit mort dans les bras d'Ismaël est ce qui pouvait lui arriver de plus heureux !

Le docteur avait parfois des moments de calme et de gravité qui surprenaient toujours ses compagnons, habitués à ses excès.

— Mais, mon cher Julian, Fag-End n'est pas mort. C'est justement pour cela que je pose la question !

— Fag-End est vivant ? rugit le professeur tandis que le Gallois, sourd et aveugle au monde qui l'entourait, n'entendait rien de ce dialogue.

— Doucement, ne le réveillez pas. Car il dort tout à fait paisiblement, notre blessé. Il n'a plus de fièvre. Son pouls est régulier et bien frappé. Plutôt lent. Il respire amplement. Vous n'allez pas tarder à l'entendre ronfler !

— Il dort ? répéta le professeur d'une voix que l'excitation rendait aigue. Vous en êtes certain ? Mais Alan, Ismaël, Anne, vous entendez ?

— Calmez-vous, Julian ! s'écria le docteur sans se rendre compte que les rôles étaient pour une fois totalement renversés. Aurait-il un jour imaginé se plaindre parce que le professeur perdait son flegme habituel ?

— Me calmer ? Mais c'est incroyable ce que vous nous annoncez ! Ismaël ! Réagissez, mon ami !

— Oui, Raynes ! Cessez donc vos bondieuseries. Vos Dies irae et vos Requiescat in Pace ne servent plus à rien ! Revenez sur terre !

Comme le marin demeurait dans des sphères spirituelles sans se décider à se fixer sur la réalité, l'impétueux docteur, exaspéré, le secoua sans ménagement.

— « Fag-End est vivant ! ». Allez-vous entrer cela dans votre caboche de bois, entêté Gallois que vous êtes ? Regardez ! Touchez ! Jouez à être Saint Thomas, je vous y autorise. Et ensuite, dites-moi, dites-nous ce qui s'est passé !

Il fallut à Ismaël le temps de comprendre, de se pénétrer de l'incroyable nouvelle. Il regarda, comme l'y invitait son compagnon. Il toucha. La main de Fag-End était tiède, aucunement celle d'un homme dont la vie se retirait. Alors, ses premiers mots furent pour exprimer sa reconnaissance de croyant :

— Mon Dieu, merci !

Christopher Lawrence étouffa un soupir excédé avant de dire pour la troisième fois, dans un glapissement coincé au fond de sa gorge contractée :

— M'expliquerez-vous enfin ce qui a abouti à cette soudaine amélioration ? De manière rationnelle, de préférence...

— Y en a-t-il une ? Tout ce que je peux vous dire, c'est que Fag-End voulait demander pardon avant de mourir !

— Cela, nous le savons depuis une semaine ! trancha le docteur, acerbe. Quelle a été votre réaction ? Elle a dû être la bonne si j'en juge par le résultat...

— J'ai seulement fait en sorte d'apaiser son âme inquiète pour qu'il se sente pardonné de Dieu et des hommes...

— Eh bien, ce ne sont pas les portes de la vie éternelle que vous lui avez ouvertes, mais bien celles de la vie tout court. Maintenant que vous avez en quelque sorte lavé sa faute, absous son péché, que vous l'avez réconcilié avec lui-même, avec les autres et si vous le voulez aussi, avec Dieu, il est prêt à repartir ! N'est-ce pas ce qu'on appelle un miracle en jargon chrétien ? Alors, fillette, qu'en dis-tu ?

Pâle et défaite, résolue à se laisser mourir après un dernier adieu au pirate, Anne venait d'apparaître dans l'embrasure.

— Souris donc ! Il n'y a aucune raison de garder une mine lugubre !

Sourire de la mort de Fag-End ? Le docteur le détestait-il donc à ce point ?

— Viens, ma chérie, murmura Ismaël, devinant en partie ce que pouvait représenter pour elle la disparition de Fag-End, pirate et sauveur. Viens constater qu'il n'est pas mort comme nous le redoutions, mais qu'au contraire, il vit !

En automate, elle se laissa conduire vers le lit, prit dans ses mains glacées celles de son ami ainsi que l'y invitait Ismaël. Elle y aurait bien posé ses lèvres si la présence des îliens ne l'avait freinée dans son désir.

Comme si Fag-End, du fond de son sommeil, avait perçu l'identité de celle qui tenait ses doigts décharnés, il poussa le léger soupir d'un dormeur en paix avec son environnement. La jeune fille, à cet indubitable signe de vie, ne trouva pas dans l'espace restreint de la chambre de quoi contenir son émotion et sa joie. Elle laissa retomber les mains de Fag-End et s'enfuit en courant, laissant ses compagnons interloqués.

— Je n'y comprends rien ! avoua le professeur.

— Il n'y a rien à comprendre ! déclara Christopher Lawrence, méprisant. C'est une femme !

— Et alors ? réagit vivement Ismaël. Est-ce un malheur ou une tare ?

— Les deux, mon cher, les deux ! N'en êtes-vous pas convaincu en voyant le comportement de cette gamine hystérique ?

— Elle n'a rien d'hystérique ! Je ne vous permets pas de l'insulter !

Le docteur fourragea dans sa crinière flamboyante.

— Ne nous disputons pas pour une femme, grommela-t-il. Cela n'en vaut pas la peine !

— C'est vous qui n'en valez pas la peine !

Aussitôt, le marin se troubla tandis que Christopher posait sur lui un regard de connaisseur :

— Eh bien, quelle déclaration ! Moi qui vous croyais un sage garçon qui ne s'énerve jamais, je me suis bien trompé sur votre compte ! Je vous apprécie mieux ainsi, même si en l'occurrence, vous défendez une cause perdue, du moins à mes yeux. Vous avez le droit d'avoir vos opinions. Remarquez, j'aime bien cette gamine. Simplement, grâce à elle, je maintiens que j'ai eu raison de faire le choix du célibat !

Ismaël n'était pas fier de lui. Seul l'épuisement qui avait succédé à la violence des récentes émotions lui avait fait perdre son habituelle maîtrise de langage. Julian Wilde et Alan Connel, par contre, s'étaient fort divertis de cette scène : depuis quelques mois, Christopher trouvait vraiment à qui parler.

La nuit, pour la première fois, fut très calme. Les gardes, maintenues sur ordre du docteur qui refusait de chanter trop vite victoire et ainsi de prendre des risques —une rechute était toujours possible— le prouvèrent. Anne, qui n'avait pas la permission de s'approcher du malade, errait comme une âme en peine, attendant des nouvelles à chaque fois qu'un des îliens sortait. Ismaël, ayant pitié d'elle, la fit entrer et lui montra le blessé.

— Tu vois, il dort encore. Je t'engage donc à en faire autant. Tu as une mine épouvantable.

— Vous aussi. Et j'ai faim !

Ismaël s'aperçut que malgré l'heure tardive ou matinale il partageait cette fringale. Il y avait longtemps que, pas plus que ses compagnons, il n'avait fait un repas correct. Ils s'attablèrent donc devant une omelette, sous l'œil indulgent d'Almeda.

Les jours qui suivirent virent le lent mais net rétablissement de Fag-End dont les plaies s'étaient cicatrisées et qui reprenait intérêt à ce qui se passait autour de lui. Il était malgré tout trop faible pour bouger, ce qui le mortifiait. Dès qu'il essayait de se redresser, il devait admettre que sa tête lui tournait ce qui, déclara le docteur, pouvait aussi être une conséquence du manque de nourriture ces derniers jours. Anne se porta volontaire pour lui préparer des petits plats. Christopher qui lui refusait toujours l'accès de la chambre sous prétexte que ses simagrées nerveuses allaient retarder la convalescence du malade fut obligé de céder. D'ailleurs, Julian, Alan et Ismaël apportèrent leur soutien à la jeune fille en assurant qu'elle était parfaitement calme.

Le blessé dormait quand elle approcha de lui pour la première fois. Etait-ce le fumet d'un flan aux crevettes et aux poireaux ou la sensation qu'il y avait là un être chéri ? Toujours fut-il que Fag-End ouvrit les yeux et reconnut la jeune fille. Un feu de bonheur illumina son visage amaigri.

— Anne ! murmura-t-il.

— Mon Fag-End !

Plantant là son plateau et ses victuailles, elle se pencha vers lui, radieuse. Leurs regards se fondirent l'un dans l'autre. Enfin, ils se retrouvaient, après avoir frôlé la séparation inéluctable. Surtout, dans l'épreuve, ils découvraient combien ils comptaient l'un sur l'autre, combien la vie n'était plus envisageable qu'à deux.

— Je t'aime, Anne !

— Je t'aime, mon Fag-End !

— C'est doux de te voir ici ! Tu es mon meilleur fortifiant !

— Tu vas voir, tu vas vite guérir. Nous nous marierons et nous aurons des enfants !

— Nous marier ? répéta Fag-End, songeur, comme si ses rêves les plus fous ne l'avaient pas encore amené à cette possibilité.

— Bien sûr !

— Ce serait si bon...

L'émotion agitait le convalescent qui mangea peu et dont la fièvre ne tarda pas à remonter dès qu'il fut séparé d'Anne. Il aurait donné beaucoup pour que la jeune fille reste tout le temps à ses côtés, mais pas jusqu'à avouer à des oreilles étrangères le secret de son amour si nouveau, si pur, si ardent. Il lui aurait semblé le souiller en le partageant. Alors, il se morfondait en attendant l'heure des repas qui apportait avec elle l'être aimé. Seulement, ces moments là étaient trop courts. Il n'avait même plus l'envie de manger tant il se sentait rassasié par la présence et la vue d'Anne. Les plats refroidissaient. Le malade y touchait à peine et faisait le désespoir de Christopher Lawrence qui constatait qu'il restait toujours aussi faible et chancelant bien que son moral fût le meilleur qu'il eût connu à ce jour. Il comprenait mal cette évolution atypique.

Néanmoins, la volonté du pirate était là, toujours redoutable et même dangereuse car elle l'incitait à commettre des imprudences. Ne chercha-t-il pas un jour à nager dans le lagon, échappant à la vigilance de son docteur qui aurait condamné sans appel cette tentative ? Julian Wilde le trouva par hasard sur la plage, claquant des dents et incapable d'avancer. Il le ramena sans tarder à son lit en lui faisant d'amicaux reproches, mais promit de ne pas ébruiter cette incartade. Cet incident servit de leçon. Dès lors, Fag-End ne sortit plus jamais seul.

Julian Wilde profita d'une de ces occasions où il promenait le convalescent pour élucider un point qui le taraudait depuis l'accident : en était-il ou non responsable ? Toutes les assurances de Christopher Lawrence et d'Alan Connel ne l'avaient pas convaincu et il voulait entendre la version de l'intéressé.

— C'est moi qui suis à blâmer, admit Fag-End sans aucune hésitation. Je vous ai entendu, mais pas écouté, ô honte. Et pour corser le tout, j'ai répondu au hasard. Tout est de ma faute. Je suis désolé car non seulement, je vous ai tous inquiétés pendant de longs jours, mais en plus, je vous ai fait croire que vous étiez responsable de ce qui m'arrivait !

— Ce n'est pas si grave, répondit le professeur en esquissant un sourire. Je suis surtout heureux que tout se soit bien terminé pour vous ! Nous avons eu si peur de vous perdre !

L'accent de sincérité était indéniable. Le pirate parut vivement ému et ne sut quelle contenance adopter. Chaque jour qui passait lui prouvait combien il était désormais intégré dans la petite communauté. Cela le rendait plus honteux encore de son passé.