Le Maelstrom — Chapitre 6

Trois heures plus tard, Emmanuel était déposé sur un lit d'herbes, à quelques mètres de la plage, sous les ombrages. Pour rejoindre la côte, Yannick et Smith avaient voulu suivre la petite rivière qui descendait de la Vallée Maudite, espérant qu'elle serait plus directe que le chemin emprunté durant la nuit et sans savoir qu'elle était tellement escarpée qu'elle en était dangereuse. Une fois engagés, ils n'avaient pu faire demi-tour, encombrés qu'ils étaient avec le corps de leur jeune compagnon. Plusieurs fois d'ailleurs, Smith s'était arrêté assez longuement pour s'assurer qu'il respirait toujours. Aussi la carcasse sécurisante du Saint-John avait-elle été une vision très réconfortante après cette progression douloureuse.

Bien qu'ils sussent que les passagers les attendaient avec impatience et angoisse, il ne leur vint pas à l'idée de les avertir ni par des cris, ni par des battements de mains. Ils étaient pourtant vivants, Owen avait été tué, Emmanuel était auprès d'eux. Mais ils étaient incapables de se réjouir. Ce n'était pas l'épuisement d'une nuit sans sommeil qui les rendait amorphes et indifférents à ce que les cinq enfants sur le voilier pouvaient éprouver depuis une dizaine d'heures. C'était la réalité qui éclatait désormais dans toute son horreur : Emmanuel allait-il survivre ?

Jusqu'alors, ils n'avaient pensé qu'à éloigner l'enfant de son tortionnaire et à le rapprocher de ce qui constituait leur refuge. Il leur semblait qu'ils devaient se rassembler pour se soutenir mutuellement dans l'épreuve. Mais une fois Emmanuel étendu devant eux dans toute sa fragilité de blessé, ils comprirent qu'il est des spectacles qu'on ne partage pas.

Smith réagit le premier. Il ne s'agissait pas de flancher alors que la situation exigeait des décisions immédiates.

— Cessez de pleurer ! ordonna-t-il d'une voix d'une extrême sécheresse en secouant Yannick qui, épuisé et désespéré, sanglotait d'effroi et d'impuissance. Cela ne servira à rien. Allez plutôt sur le Saint-John. Dans la cabine du capitaine, vous devriez trouver un coffret de médicaments. Ramenez des draps aussi propres que possible ! Et surtout, que je ne vois aucun de vos camarades ici ! Filez ! Allez ! Bougez !

L'aîné des Le Quellec lui lança un regard noyé avant de s'éloigner en titubant. Smith ne le prit même pas en pitié. Il ne pouvait se le permettre quand lui-même était si vulnérable. Surtout, ne pas se poser de questions. Surtout, ne pas commencer à douter. Ne se préoccuper que d'une chose : sauver Emmanuel. Seul. Car qui à part lui aurait la force physique, le courage de toucher le corps martyrisé ?

Il le fallait pourtant, ne serait-ce que pour évaluer la gravité des lésions. La première chose à faire était de nettoyer les plaies dont il était couvert. Ensuite, on aviserait.

Smith plongea le blessé dans l'eau claire qui coulait à deux pas de là et, avec le plus de délicatesse possible, lava chaque centimètre carré de peau. Il terminait quand Yannick revint, flanqué de Maximilien et de Gwénaël.

— C'est mon frère ! déclara le benjamin des Le Quellec d'une voix impérieuse qui ressemblait à s'y méprendre à celle du musicien. C'est mon devoir d'être auprès de lui. Que puis-je faire ?

— Passez-moi un drap et préparez un lit ! dit Smith aussitôt qui n'avait pas envie de perdre du temps à protester.

Gwénaël obtempéra rapidement avec l'aide de Maximilien et bientôt, Emmanuel reposa sur un lit de fortune, n'ayant toujours pas repris connaissance.

— Alors ? demanda le jeune noble.

Smith serra les dents. Il lui en coûtait de devoir parler car il devinait que sa voix trahirait son émotion et sa frayeur ce qui n'était pas souhaitable pour son jeune auditoire. Pourtant, ils avaient tous besoin de savoir à quoi s'en tenir.

— Alors, pour le moment, nous ne pouvons faire grand-chose sinon attendre et surveiller. Je ne suis absolument pas médecin...

— Dommage que papa ne soit pas là ! s'écria Maximilien.

— Oui, c'est bien dommage, effectivement, admit le marin d'un ton fataliste. Mais il ne sert à rien de nous lamenter...

— Mais vous parlez d'attendre !

— En l'absence de compétences, nous y sommes obligés. Il me semble que les blessures physiques d'Emmanuel ne mettent pas sa vie en péril. Par contre, je suis beaucoup plus inquiet quant aux conséquences qu'ont pu avoir toutes ces heures passées à la merci d'un homme comme Owen.

— Vous voulez dire qu'il a pu devenir fou de terreur. Vraiment fou ? s'enquit Gwénaël qui écoutait avec une extrême attention.

Smith considéra l'enfant d'un air effaré, stupéfait de l'entendre réagir avec une lucidité brutale qu'il ne s'était lui-même pas autorisé. Devant ce qui ressemblait à une mise en demeure de s'expliquer, il murmura :

— J'ose espérer que non, mais c'est une éventualité. Actuellement, il brûle de fièvre.

— Et la fièvre peut le rendre fou ?

— Si elle se prolonge, peut-être.

— Peut-elle le tuer ? insista Gwénaël qui ne laissait aucune porte fermée.

— Je ne sais pas ! avoua le jeune homme, en secouant la tête, désolé.

— Moi je sais, intervint Maximilien, gravement. Papa a eu des cas de patients morts de fièvre.

En réponse, Yannick poussa un gémissement.

— Il y a bien un moyen d'enrayer la fièvre, non ? demanda Gwénaël, l'œil dur.

— Oui, la faire tomber.

— Et comment ?

— Comme Smith a essayé de le faire, en lui donnant des bains froids. Je pense qu'il faut continuer. Mais il ne faut pas oublier ce que papa disait toujours, la fièvre est une conséquence, pas une cause.

— Il faut donc prier ! déclara Yannick.

— Oh, toi et ta foutue prière ! rugit son jeune frère. Oui, va prier, mais pas ici ! Ne m'impose pas ton Dieu qui n'est qu'un Moloch !

Maximilien fut scandalisé, Yannick s'effondra. Ce n'était pas la première fois qu'il entendait Gwénaël rejeter vigoureusement la foi de ses ancêtres. Que se passait-il ?

Smith se moquait de ces remous religieux. Ce n'était pas l'important.

— Dieu ou pas Dieu, nous devons être efficace...

— Aide-toi, le ciel t'aidera, plaça rapidement Maximilien.

— Si vous voulez ! Nous avons une priorité absolue : sauver Emmanuel, mais il faut aussi organiser notre vie de naufragés. Nous devons penser à manger, à établir un campement proche d'un point d'eau, explorer un peu le lieu où nous sommes pour savoir si nous devons espérer du secours ou craindre des indigènes. Nous sommes en pleine saison des pluies, ce qui veut dire que nous devons construire des abris de fortune.

— Cela fait beaucoup de choses, murmura le noble français.

— Il existe une autre urgence...

— Laquelle ?

— Nous débarrasser des quatre cadavres qui risquent, en se décomposant, d'attirer des bêtes et des insectes.

— Il faut les enterrer ?

— Non, les brûler. Ce sera plus propre. Nous n'avons pas besoin de risques de maladies en plus de tout le reste !

Maximilien frissonna. Il n'avait encore jamais rencontré la mort sinon par personne interposée, quand son père l'évoquait en termes voilés. Là, c'était différent. Il faudrait bel et bien toucher les corps, les voir, les sentir.

— Je suppose que vous ne pouvez pas quitter Emmanuel...

— Pour l'instant, le moins possible.

— Donc, il faut que nous... que je me dévoue. Mais il n'y a que trois cadavres ici...

— Le quatrième, Owen, est dans la montagne. Il serait bon de le ramener ici et de le brûler avec les autres !

— Non ! hurla Yannick, paniqué. Non, je ne remonterai jamais là haut. C'est trop affreux ! Je ne veux jamais revoir ce monstre, même mort !

— Croyez-vous que quiconque le souhaite ? rétorqua Smith avec une soudaine colère, trop épuisé et angoissé pour avoir la totale maîtrise de ses émotions. Vous avez le choix : rester ici auprès de votre frère ou ramener Owen ici pour le brûler avec les autres !

— Non ! Non ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas !

Et le garçon d'éclater en sanglots, terrassé qu'il était par son immense détresse. Smith se mordit la langue jusqu'au sang pour s'obliger au contrôle de lui-même. Réagir violemment ne servirait à rien. Il fallait être fort, plus fort que les événements, que les personnes. C'était de leur survie à tous qu'il s'agissait.

— J'y vais, moi ! déclara le petit Gwénaël que la situation avait métamorphosé, le faisant passer directement de l'enfance à l'âge adulte en quelques heures seulement.

— Non, c'est impossible ! s'écria Smith qui se demandait si les coups de boutoir qu'il subissait allaient avoir une fin.

— Pourquoi non ? rétorqua l'enfant, hautain. Je n'ai pas peur d'un mort !

— Ce n'est pas cela. Vous ne pourriez pas le soulever !

— Maximilien viendra avec moi !

Gwénaël avait réponse à tout. Le vicomte pâlit extrêmement en entendant l'injonction de son camarade, puis, avec effort, murmura :

— Oui. Tu ne peux y aller seul !

— Reste Gwénaël ! intervint alors Yannick. C'est à moi d'y aller. Pas à toi ! Je sais où c'est ! Ne discute pas ! Reste plutôt auprès de Smith et d'Emmanuel !

Gwénaël regarda gravement son frère comme pour s'assurer qu'il était bien conscient de son engagement avant de le laisser prendre cette place peu enviable.

— Je t'accompagne, dit Maximilien après réflexion. Je suis sûr que nous ne serons pas trop de deux.

Smith approuva de la tête sans rien ajouter. Il était satisfait de voir que l'aîné des Le Quellec n'avait pas cédé très longtemps à son accès de faiblesse et qu'il essayait d'être à la hauteur de la situation. Il n'aurait pas vu sans inquiétude Gwénaël se charger d'une besogne si pénible au moral comme au physique. Ce n'était pas par lâcheté qu'il ne s'était pas proposé à la place des garçons mais bien parce qu'il se sentait indispensable auprès du blessé. Il était hors de question de l'abandonner plus de quelques minutes s'il pouvait l'éviter. Il avait certainement besoin d'une présence constante au moins au début.

Maximilien et Yannick ne tardèrent donc pas à disparaître sous la palmeraie, laissant leurs deux compagnons à veiller un Emmanuel exsangue et toujours inanimé.

— Pouvez-vous retourner au Saint-John et ramener un peu de nourriture ? Il faudra aussi dire aux autres de débarquer et de s'installer à terre.

Gwénaël fila comme une flèche tandis que Smith essayait d'apporter un peu de soulagement au blessé en maintenant humide son front brûlant de fièvre. Il revint assez rapidement avec l'ensemble des garçons, chacun porteur qui de nourriture, qui de vêtements, qui d'ustensiles divers. Lui-même transportait dans une couverture un objet que le marin n'identifia qu'au moment où il produisit un bruit fort significatif. Murali protestait énergiquement contre le traitement plutôt rude qui avait été le sien pour quitter le Saint-John. Rendu à la liberté, il se mit à étudier les environs avec beaucoup d'intérêt, le museau au ras du sol, essayant de se familiariser avec ces odeurs inconnues. Michael, Norman et Luigi, après un coup d'œil épouvanté à Emmanuel pourtant pudiquement recouvert d'un drap, se hâtèrent de s'éloigner, dans le but avoué de construire des abris de fortune et inavoué de fuir un spectacle morbide.

— Dis, Smith, tu le sauveras ?

Le jeune homme, interpellé, regarda avec affection cette frimousse d'enfant qui le considérait avec l'expression sérieuse et exigeante des tout-petits. Que lui répondre qui fût la vérité et pourtant acceptable ?

— Vous savez que je ferai tout pour cela. Mais je ne suis ni médecin, ni faiseur de miracles. Je suis malheureusement aussi ignorant que vous !

— Crois-tu en Dieu ? poursuivit Gwénaël qui suivait le cours de sa pensée.

Smith haussa légèrement les épaules.

— Si j'y ai cru, j'ai aussi eu toutes les raisons de ne plus y croire, murmura-t-il d'un ton désabusé.

— Ce qui veut dire que tu n'y crois pas...

— Disons cela...

— Tant mieux ! trancha l'enfant, visiblement satisfait par cette réponse dont il n'avait entendu que ce qu'il voulait entendre. Tu vois, je vais te dire, ce qui nous arrive, je l'ai joué pendant des jours et des jours avec mes frères, là-bas à Sydney. Nous étions des Robinsons, des pirates, de naufragés. C'était merveilleux. Nous étions des héros, courageux, audacieux, invincibles. Nous affrontions la mort et la souffrance et nous étions toujours vainqueurs. Maintenant, ce n'est plus du jeu. Nous ne sommes plus que des enfants. Nous avons vraiment peur parce que la mort a déjà frappé et qu'elle risque de frapper encore. C'est ce qui fait la différence entre le jeu et la réalité : quand on joue, on meurt et on se relève pour continuer à jouer. Ici, ce n'est pas pareil... Alors, tu vois, j'ai compris une chose. C'est qu'il faut que je sois comme dans mes jeux, comme à Sydney. Il faut que je sois à la hauteur de mon héroïsme imaginaire. Et c'est très dur. Parce que dans nos jeux, personne n'était aussi horrible qu'Owen, Emmanuel ne risquait pas vraiment de mourir et nous avions nos parents tout près... Est-ce que tu me comprends ?

Smith hocha la tête sans un mot. Il avait parfaitement suivi le raisonnement du benjamin des garçons Le Quellec et admirait sa capacité à faire le lien entre le réel et l'imaginaire. Pourvu que les événements qui allaient suivre ne soient quand même pas trop durs pour cet enfant d'une dizaine d'années ! Pourvu que son frère survive !

— Smith ! Smith !

C'était la voix épouvantée de Maximilien. Il s'était passé quelque chose. Smith bondit, redoutant le pire —des sauvages, une blessure d'un des garçons— et courut sur la plage, suivi de Gwénaël. Ils trouvèrent les deux aînés immobiles devant les cadavres qu'ils avaient placés sur un bûcher improvisé en se servant des nombreux troncs et branchages provenant de la tempête.

— Qu'y a-t-il ?

— Do... Domi... nique...

— Quoi, Dominique ?

— Il... il... n'est pas mort !

Smith s'attendait à tout sauf à cela. En un instant, il évalua toutes les conséquences d'une survie de ce garçon brutal qui s'était rallié à Owen pour supprimer un de ses camarades. Mais c'était quand même un être humain. S'il n'était que blessé, il convenait de le sauver.

— Il a ouvert les yeux ! expliqua Yannick en claquant des dents.

De fait, l'adolescent avait les yeux ouverts, mais fixes. Le doute n'était pas permis. Il était mort. Par contre, toute chaleur n'avait pas disparu de ses membres. Ce n'était pas le soleil ardent qui lui donnait cette tiédeur. C'était bel et bien une vie qui s'était enfuie très peu de temps auparavant.

— Alors ?

Smith se redressa.

— Main... maintenant, il est mort. Vous pouvez sans crainte allumer le bûcher.

— Maintenant ? répéta Maximilien pour s'assurer qu'il avait bien compris. Cela veut dire...

— Qu'il était vivant il y a quelques minutes, oui.

— Nous l'avons donc tué en le bougeant ?

— Très probablement. Mais ce n'était qu'une question d'heures. S'il avait survécu, il serait sans doute resté paralysé...

Maximilien paraissait au bord de la nausée.

— Nous... nous...

— Non ! trancha Smith d'une voix ferme. Ne pensez pas à ce qui aurait pu être. Vous n'êtes pas responsable de cette mort, pas plus qu'Emmanuel. Ce sont les circonstances qui y ont conduit. On ne peut revenir en arrière. Et vous ne devez pas oublier que Dominique voulait tuer Emmanuel...

Toutes ces raisons n'ôtaient pas aux garçons un terrible poids de culpabilité et d'horreur. Dominique, ce n'était pas un des pirates. C'était un de leurs camarades de pension. Ils le connaissaient depuis des années, même s'ils ne l'appréciaient pas. Et ce décès, hâté par eux, les replongeait dans la réalité : Dominique n'était peut-être que le premier d'une longue liste. Quel serait le suivant ? Emmanuel ?

Smith, voulant se débarrasser au plus vite des cadavres, aida les jeunes à rassembler encore davantage de bois et de branches puis alluma le feu.

— Alimentez-le jusqu'à ce soir, sans l'étouffer. Nous nous retrouverons pour le dîner. Qui s'en charge ?

Morgan se porta volontaire avec Luigi et Michael. S'occuper de la nourriture rendait les choses plus normales. Smith retourna donc auprès de son blessé qui tremblait nerveusement et gémissait sans avoir totalement repris conscience, accablé par une fièvre toujours intense.

Le repas du soir fut fort lugubre. Les garçons étaient sous l'impression pénible de la mort de Dominique, la crémation des corps avec l'odeur qu'heureusement le vent portait dans une autre direction, l'incertitude sur le sort d'Emmanuel et sur le leur. Ils allaient passer leur première nuit à terre, exposés aux dangers, à la mort, à la solitude. Smith dut le comprendre car il se racla la gorge et se résolut à prendre la parole.

— Euh, je pense qu'il serait bon de réfléchir un peu à notre situation et de prendre quelques décisions...

— Parlez, Smith ! répliqua Maximilien qui faisait de gros efforts pour rester aussi civilisé que possible. Je voudrais vous rappeler ce que Yannick a dit... quand était-ce, déjà ?... hier, je pense : vous êtes notre aîné, vous avez donc le droit et le devoir de nous aider. C'est ensemble que nous lutterons en regardant vers l'avenir. Le passé n'existe plus, ni pour vous, ni pour nous. Nous étions des gamins privilégiés. Nous devons être des adultes. Enfin essayer de l'être. C'est pourquoi votre présence et votre soutien nous sont précieux. Parlez, je vous en prie, nous vous écoutons.

Smith remercia d'une inclinaison de tête. Il mesurait toute la valeur des propos du garçon. Il n'y avait que quelques heures qu'il l'avait traité de sale pirate et avait voulu le tuer. La hache de guerre semblait provisoirement enterrée.

— La situation, vous la connaissez : nous avons fait naufrage sur une terre inconnue dont je suis incapable de calculer la position...

— Emmanuel sait, lui ! interrompit Yannick étourdiment avant de songer dans quel état était son frère.

Le jeune homme préféra ignorer cette interruption et poursuivit :

— Nous avons beaucoup trop dérivé durant la tempête pour avoir une idée de l'endroit où nous sommes arrivés. Notre premier objectif est donc de savoir avant tout si nous sommes sur une île ou sur une terre plus vaste. Les conséquences ne seront pas les mêmes, naturellement. Par la même occasion, nous devrons déterminer si cette terre est habitée ou non. Personnellement, et je n'engage que moi, je pencherais plutôt pour un îlot désert. S'il y avait eu des habitants, nul doute que nos coups de feu les auraient attirés et qu'ils se seraient manifestés. D'autre part, la faune ne semble pas connaître l'homme...

En disant cela, il sursauta en sentant une présence qui le frôlait. Ce n'était que Murali réclamant des hommages et voulant trouver un endroit pour dormir à son goût. Une nouvelle fois, il s'arrogea sans vergogne les genoux de Smith qui ne fit aucun effort pour le chasser. La confiance de cette petite bête le touchait.

— Il serait donc souhaitable que deux d'entre vous se portent volontaires pour effectuer cette reconnaissance de l'île...

— Avant, que pouvez-vous nous dire sur l'état d'Emmanuel ? demanda Michael.

Le jeune homme hésita très nettement : devait-il dire la vérité dans toute son horreur ou l'atténuer ? Gwénaël l'observait, très sombre.

— Ne cherche pas à nous ménager, finit-il par dire. Cela ne sert à rien. Autant nous préparer au pire.

— Le pire ? répéta Morgan. Qu'y a-t-il ?

— Il y a que notre frère est mourant, reprit le benjamin des Le Quellec en regardant chacun de ses camarades qui, les uns après les autres, gênés, baissaient les yeux. Il a survécu à sa nuit avec Owen, mais dans quel état, nous l'ignorons. Maximilien qui, grâce à son père, a appris quelques petites choses pense qu'une très forte fièvre peut rendre fou, si elle ne tue pas à petit feu. C'est bien ce qui a été dit tout à l'heure, n'est-ce pas, Smith ?

— Tout à fait ! Je n'ai rien de plus à ajouter !

La mort d'Emmanuel était une chose. Ce serait cruel, mais on s'y ferait. Sa folie ou le changement de sa personnalité en était une autre. Ce serait certainement très pénible à vivre et à supporter pendant des jours et des jours.

— Qui part explorer l'île, alors ? demanda Morgan qui ne souhaitait pas s'éterniser sur les mauvaises nouvelles.

Presque tous les bras se levèrent, y compris le sien. Gwénaël se ravisa presque aussitôt en expliquant :

— Smith ne peut rester seul à s'occuper d'Emmanuel.

— Peuh, dis tout de suite que tu as peur de l'aventure...

— Je t'interdis ! rugit le petit garçon en se dressant brusquement, faisant peur à Murali qui alla se cacher ailleurs.

Smith l'attrapa par le bras :

— Stop ! Pas de cela ici ! Ce que vous dites est abject, monsieur Kennedy ! Il est dix fois plus facile de partir que de rester. La preuve, c'est que vous tous n'avez que cette idée en tête.

Morgan rougit de colère et de honte. Il n'était pas fier d'avoir mérité la colère de Smith qui avait parfaitement compris qu'ils désiraient tous fuir la présence de leur camarade si mal en point. Aucun d'eux n'avait franchement d'âme d'infirmier ou de bon samaritain. Ce n'était pas tant indifférence que gaucherie devant la maladie.

Le jeune marin considéra gravement les cinq candidats à l'exploration.

— Yannick et monsieur Kennedy, vous partirez !

— Pourquoi pas moi ? se plaignit Maximilien, furieux de ce choix qui l'excluait. Ce n'est pas juste. Je suis bien plus résistant que ce gros ballon de graisse !

— Pas d'insultes, s'il vous plait ! Pour tout vous dire, je pense que vous serez beaucoup plus utile ici qu'à faire de tour de l'île et l'ascension des montagnes. Par contre, ajouta-t-il à voix plus basse bien que l'intéressé se fût éloigné, Yannick a grand besoin de penser à autre chose qu'à son frère. Ce qu'il a vu dans la montagne était... bien douloureux.

Durant la semaine qui suivit, le jeune marin n'eut guère le loisir de s'appesantir sur le fait que, comme prévu, le Saint-John avait fait naufrage sur une île minuscule, montagneuse et inhabitée, éloignée de toute autre terre comme le prouvait l'océan absolument désert qui l'entourait. Il n'avait fait aucun commentaire au retour des deux explorateurs et s'était contenté de prendre connaissance avec intérêt de la configuration de leur îlot d'après la carte dressée par Yannick. Par contre, à la suite de cet examen approfondi, il suggéra aux garçons d'établir le campement principal de l'autre côté de la baie où il serait mieux protégé des alizés du sud-est. Comme une petite rivière y coulait aussi, le ravitaillement en eau ne serait pas un problème.

— Et Emmanuel ?

Pour Smith, un transport, dans l'état actuel des choses, n'était ni envisageable, ni souhaitable. En fait, il préférait de beaucoup éloigner les garçons de cette infirmerie improvisée, celle-ci étant très néfaste pour leur moral. Il leur fallait sans cesse faire attention de ne pas élever la voix, de ne pas courir à proximité du blessé, bref, il fallait se contenir à chaque instant. C'était usant. D'autant plus qu'on ne constatait aucune amélioration. Il n'y eut que Gwénaël à émettre des objections. Il voulait absolument rester auprès de son frère. Smith n'en démordit pas. En se prolongeant indûment, la situation devenait trop éprouvante pour ce petit garçon courageux qui voulait être de tous les soins prodigués au blessé. Il fallait le protéger, même contre son gré. Il eut uniquement l'autorisation, comme les autres, de venir prendre quotidiennement des nouvelles. Avec Maximilien, il fut le seul à le faire. Yannick, désespéré, nullement remis du choc subi par son exploration de l'île, disparaissait des journées entières, sans participer aucunement à la vie commune, exemple détestable que suivirent bientôt Morgan et Michael. Luigi ne savait pas à qui se raccrocher. Personne ne lui venait en aide. Les plus abordables étaient encore ceux qui lui demandaient de travailler à la mise en place du campement. Ils n'étaient pas loquaces, mais au moins, ils échangeaient quelques mots. C'était mieux que rien.

Les jours passaient, uniformes. L'état d'Emmanuel restait stationnaire. Par contre, Maximilien prit brusquement conscience que celui de Smith déclinait. Le jeune homme, après une semaine de veilles incessantes, de terreur constante à l'idée que son malade pût s'éteindre dans ses bras, était devenu une ombre : son visage gris de saleté et de sel qu'il avait à peine lavé depuis son arrivée sur l'île, ses yeux agrandis d'un cerne noir, sa barbe de quinze jours, ses cheveux hirsutes lui donnaient un air cadavérique. Le jeune français fut frappé, un matin, par cette apparence. Il prit peur. Il ne s'agissait pas que le marin lui fasse faux bond à son tour.

— Veillez sur vous, Smith ! s'écria-t-il d'un ton angoissé à l'idée très égoïste de se retrouver soudain sans le soutien d'un adulte responsable. Nous sommes là, nous aussi ! Nous avons besoin de vous !

Au regard que Smith posa sur lui, le garçon comprit que toute supplication était inutile : le marin vivait dans un monde dont, comme tous les autres naufragés, il était exclu. Il était parvenu à ce stade d'épuisement où la réflexion n'avait plus aucune prise sur l'idée fixe qui le faisait survivre d'un jour à l'autre. Il n'avait pour seul objectif sur cette terre que sauver Emmanuel ou mourir avec lui. C'était tout. Le reste ne comptait pas. Maximilien se sentit affreusement malheureux. Il était désormais seul comme il ne l'avait jamais été. Il n'avait personne à qui confier son immense désarroi. Ce jour là, il ne participa à aucune tâche commune. A son tour, délaissant les activités qui maintenaient son lien avec la civilisation, il s'enfuit dans la montagne et là, le cœur navré, lourd de son immense désarroi, il pleura longuement sur lui-même, sur sa situation, sur sa solitude, sur celle de ses compagnons d'infortune, sur la surdité d'un Dieu qu'il accusait de ne pas lui répondre par le miracle qu'il lui réclamait.

Ce dévouement opiniâtre de Smith qui voulait espérer contre toute espérance reçut sa récompense après quinze jours de don de soi total. Au cours d'un bain prolongé pour rafraîchir des membres de plus en plus maigres, Emmanuel battit des paupières. Smith, à l'affût du moindre signe d'amélioration, passa les heures qui suivirent plus en éveil que jamais. Avait-il été victime d'une hallucination ? Ce mouvement n'avait-il été qu'une contraction involontaire, d'origine nerveuse ? Allait-il se reproduire ?

L'événement capital de la soirée fut que la fièvre ne revint pas alors que d'ordinaire, la tombée de la nuit plongeait le malade dans un semi délire. Smith eut beaucoup moins de difficulté à le faire boire le lait de coco qui assurait son alimentation.

Au réveil, Emmanuel but à nouveau, cette fois avidement, presque consciemment. Puis, il ouvrit les yeux. Ce fut un regard d'angoisse qu'il jeta autour de lui et qui se durcit jusqu'à devenir insoutenable en se posant sur le visage proche de lui. Un spasme le secoua tout entier et le fit retomber en syncope. Pendant des secondes qui lui parurent une éternité, Smith le crut mort et s'en attribua la cause. Quoi ? Il était devenu l'obstacle à la guérison de son ami qui n'avait vu en lui qu'un complice d'Owen, un tortionnaire, un bourreau, un lâche malfaiteur ? De fait, à peine revenu à lui, Emmanuel se recroquevilla sur lui-même en répétant vingt fois, cinquante fois avec un indicible accent d'effroi ce nom honni :

— Owen... Owen...

Sans oser le toucher de peur d'augmenter son épouvante, vingt fois, cinquante fois, Smith lui annonça la mort de l'infâme. Emmanuel, les yeux exorbités, ne l'entendait pas plus qu'il ne le voyait. Il était revenu dans la Vallée Maudite. Il était toujours prisonnier. Il redoutait les mauvais traitements dont le pirate l'avait accablé. Il rampait pour essayer d'y échapper, pour se fondre dans le sol, pour donner le moins possible de prise à d'éventuels coups. Smith, bouleversé et impuissant, ne contenait pas ses larmes. Comment sortir l'enfant de son cauchemar ? Le pouvait-il, lui, le complice d'Owen ? Vers qui se tourner pour trouver de l'aide ? Qui serait assez fort pour assurer le malheureux qu'il ne risquait plus rien, qu'il était enfin en sécurité, que le criminel était réduit à un tas de cendres ? Que faire ?

Le jeune homme ne sut jamais s'il avait répondu à un appel ou s'il avait cédé à son instinct. Il se retrouva soudain avec Emmanuel pressé contre sa poitrine, un Emmanuel qui l'étreignait de ses bras squelettiques en sanglotant sans répit.

Il fallut attendre quelques jours avant que le musicien n'émerge de son obsession. Extrêmement faible faute d'alimentation durant sa forte fièvre, ses défenses nerveuses lacérées par les sévices d'Owen, il ne parvenait pas à prendre le moindre recul par rapport aux événements. Malgré les assurances de Smith, inlassablement répétées, il vivait dans la terreur d'être repris par Owen et à nouveau torturé. Il dormait très mal, se réveillant plusieurs fois par nuit avec des hurlements d'épouvante. Il repoussait alors durement son garde-malade, pensant qu'il s'agissait de son geôlier. Smith, brisé de chagrin et d'angoisse, se faisait le plus discret possible, ne sachant plus ce qu'il devait faire. Avec le jour, les cauchemars s'atténuaient. Emmanuel acceptait la présence du marin. La plupart du temps, il sombrait alors dans une somnolence agitée de mouvements nerveux qui laissait cependant à son compagnon quelques trop brefs instants de répit.

Car Smith était maintenant certain que le garçon était sauvé, du moins physiquement. Restait son esprit, toujours prisonnier d'un épais brouillard d'effroi et de souvenirs dantesques. Il fallait dissiper ces ténèbres avant qu'elle ne l'engluent et ne le rongent sous leur effet corrosif. Comment ? Le jeune homme n'avait à sa disposition que son cœur et son intuition. Pour lui, la mémoire d'Emmanuel était déformée par un abcès purulent. Il fallait le percer comme on perce un panaris pour en évacuer le pus.

— Parle, Emmanuel ! supplia-t-il. Parle ! Que t'a fait Owen ? Que s'est-il passé dans la montagne ? Ne garde pas cela pour toi !

Dans son ignorance, il avait compris que les mots pouvaient jouer le rôle d'exorciste et faire souffler un vent vivifiant dans cette purée de pois. L'enfant commença par opposer une résistance obstinée quoique passive. Puis, sollicité par des questions précises, des suggestions, il finit par répondre, d'abord avec réticence puis, le barrage s'étant fêlé, les aveux s'y frayèrent un chemin puissant comme un torrent dévastateur. Il raconta tout : comment Owen l'avait traîné dans la montagne, comment il avait brisé sa résistance nerveuse —ou ce qui en restait— en s'amusant à des simulacres d'exécution tous plus réels les uns que les autres, comment il s'était mis à boire et était devenu de plus en plus incontrôlable, comment il s'était endormi d'un sommeil d'ivrogne sans lui donner la possibilité d'en profiter pour fuir puisqu'il était ficelé de telle manière que le moindre mouvement l'étranglait. Au réveil du pirate, en pleine nuit, celui-ci avait mis en œuvre son projet diabolique, attirer dans un piège les plus vulnérables du groupe. Emmanuel, conscient de sa déchéance et du rôle d'appât qu'il lui faisait jouer, n'avait pourtant plus aucune des ressources morales ou physiques qui lui avaient permis par le passé de se montrer un résistant d'une rare énergie. Les bandits australiens, Taylor n'avaient été que des enfants de chœur en comparaison d'Owen. Terrassé par la souffrance et l'épouvante, l'enfant avait donc poussé ces hurlements pitoyables parvenus jusqu'au Saint-John avant de perdre connaissance. Ce qui s'était passé ensuite, il l'ignorait.

Smith referma ses bras sur le frêle corps secoué de sanglots, écœuré jusqu'à la nausée par ce récit qu'il avait souhaité et qui le dégoûtait. Comment avait-il pu un jour croire à la gentillesse d'Owen ? Comment avait-il pu être aveugle à ce point ? Etait-ce sa propre bêtise qu'il fallait incriminer ou cette extraordinaire capacité qu'avait eue Owen à se montrer sous des visages dissemblables à ses divers interlocuteurs ?

La nuit suivante fut calme. Le musicien et son garde-malade, épuisés l'un et l'autre, ne firent qu'un somme jusqu'au lever du soleil, Murali roulé en boule entre eux. Alors que pendant tous les épisodes de fièvre de son maître, l'animal avait fui sa couchette, là, pour la première fois, il revenait à cette place qui était d'ordinaire la sienne.

Dès qu'il fut réveillé, Emmanuel voulut se redresser pour aller prendre un bain matinal. Il n'était même pas arrivé à la position assise qu'il retombait en arrière avec une grimace d'étonnement et de contrariété.

— Eh, doucement ! s'écria Smith qui saisit aussitôt les implications de cette situation : la convalescence serait sans doute aussi pénible que la maladie, le garçon n'étant pas du genre à s'accepter affaibli ou dépendant.

— Doucement quoi ? Qu'est-ce qui m'arrive ?

C'était comme s'il avait occulté les dernières semaines et ne se souvenait de rien.

— Où sont mes frères et mes camarades ? Où suis-je ? Que s'est-il passé ?

La voix devenait rauque d'angoisse. Il regarda Smith comme s'il ne l'avait pas encore reconnu. Sa respiration se fit oppressée.

— Calmez-vous, ne vous affolez pas !

Emmanuel ne répliqua pas. Son visage se crispa et ses yeux hurlèrent de détresse.

— Ecoutez, je vais vous résumer la situation !

Le garçon ferma les yeux. Murali, Smith, son inconcevable faiblesse. Dormait-il ? Rêvait-il ?

Serrant les dents pour s'obliger à la concentration, il chercha à pénétrer le sens des paroles que prononçait son compagnon. Le 12 janvier... Ils étaient le 12 janvier... Noël était passé... Le Saint-John avait fait naufrage... De tous les pirates, il ne restait plus que lui, Smith...

Emmanuel ouvrit les yeux, parut prêt à prononcer quelques mots. La lassitude fut la plus forte. Il referma les paupières et continua à écouter, sa main se crispant sur la fourrure de Murali qui seule, l'assurait d'une certaine réalité, comme l'étaient les griffes qu'il plantait béatement dans sa poitrine. Car qu'était-ce que cette maladie qui l'avait tenu entre la vie et la mort pendant dix-huit jours ? Lentement, des bribes de souvenirs revinrent à son esprit. Le naufrage, oui, il se rappelait vaguement le choc, puis sa chute à la mer... Puis plus rien... Une autre image surgit : la nuit, un feu, une ombre dansante, une intense souffrance...

Le cri qu'il poussa interrompit les récits de son compagnon.

— Smith, murmura-t-il, dites-moi... dites-moi... Owen...

Le jeune homme hésita. Tout était-il à recommencer depuis le début ?

— Owen est mort, répondit-il pourtant d'une voix qu'il espérait ferme et convaincante.

— Où ? Quand ?

— Il... il vous avait entraîné dans la montagne. Vous étiez prisonnier.

— Et ?

— Je... je l'ai tué... pour vous délivrer.

Emmanuel referma les yeux.

— Me délivrer, répéta-t-il. Je crois que je me souviens maintenant. Il voulait que je vous oblige à venir me rejoindre pour pouvoir vous tuer... Je ne voulais pas... Vous êtes donc venu quand même...

— Oui, mais vous étiez inconscient. Vous l'êtes resté jusqu'à hier...

— Dix-huit jours... mais c'est très long ! Et mes frères ? Mes camarades ?

— Ils sont de l'autre côté de la baie qui est plus abritée. Ici, nous sommes plus exposés mais... vous n'étiez pas transportable...

— Charmant !

La première lueur d'humour parut dans les prunelles si enfoncées qu'elles paraissaient outremer. Elle fut suivie par l'expression de volonté indomptable qui les rendait si caractéristiques.

— Eh bien, il ne me reste plus qu'à me transporter moi-même dans l'autre campement ! Allons-y ! Mais avant, je voudrais me baigner !

La confrontation avec la réalité fit rouler de grosses larmes sur les joues émaciées du garçon lorsqu'il comprit qu'il était absolument incapable de tenir debout sans l'aide de son compagnon. La nage elle-même ne lui apporta aucun réconfort. Il avait à peine assez de forces pour s'empêcher de couler à pic, lui qui était connu pour ses belles performances aquatiques.

Malgré cela, il insista pour se rendre au campement sud et retrouver le reste des naufragés. Smith, beaucoup plus timide et mal assuré depuis que son jeune ami avait recouvré sa conscience, ne se permit pas de le contredire : il était redevenu moins que rien.